L'église de Saint Juvin


 

Guide pour approfondir la découverte
de l’intérieur, dede Saint-Juvin
ainsi que l’extérieur
 

De l’église primitive à l’église fortifiée


Cette église fortifiée n’a pas les caractéristiques habituelles d’une église dans cette région, même d’une église fortifiée comme il en existe encore 80 dans le département des Ardennes. Elle peut facilement être confondue avec une maison forte médiévale : construite sur un promontoire, elle domine son environnement. Elle est massive, sans attributs religieux tels qu’un clocher ou des sculptures extérieures. Elle n’a pas non plus d’horloge ou de coq.
 
Avant cette église, il existait une autre église plus petite bâtie sur l’emplacement et/ou à partir de l’oratoire de Saint-Juvin. Le cadastre Napoléon 1827 permet de penser que cette ancienne église était :

-         à gauche de la route allant de Grandpré vers Fléville/Varennes-en-Argonne,

-         tout de suite au début de ce qui s’appelle aujourd’hui « Chemin de la Chapelle ».

Cette chapelle figure encore sur les cartes Cassini établies vers 1750. « Les débris d’une ancienne chapelle dédiée à Saint-Juvin » ont été vendus en 1804 contre un engagement de reconstruire un oratoire couvert de tuiles dédié à Saint-Juvin, ce qui n’a jamais été réalisé.

Aucune archive ne nous a permis de savoir pourquoi la « nouvelle église » qui domine le village, n’a pas été reconstruite sur l’emplacement de l’ancienne église (ou église primitive). Il était habituel de procéder ainsi à l’époque lors de la construction d’un nouvel édifice notamment parce que cette pratique limitait les coûts. Différentes hypothèses non exclusives les unes des autres ont été formulées, serait-ce :

1.   une augmentation importante de la population ?

2.   que l’ancienne église aurait été fortement endommagée lors des guerres de religions, comme le laisse entendre l’abbé Bigault de Cazanove (curé de Saint-Juvin et Champigneulles du 12 juin 1842 à sa mort le 22 avril 1872) pour qui cette ancienne église était fort « délabrée » au début du XIIe siècle ?

3.   un besoin de protection lié aux crues de l’Aire dont il fallait s’éloigner, l’Aire étant alors plus proche de la route Grandpré/ Fléville-Varennes-en-Argonne ?

4.   un autre besoin de protection : le peu de ressemblance de la nouvelle église que vous avez devant vous, avec un édifice religieux de l’Argonne, est peut-être également une volonté voire un besoin impératif pour les habitants de se protéger ? En effet, la position de Saint-Juvin au sortir de la trouée ou défilé de Grandpré.

Être sur le lieu de passage dans le massif et à proximité avec les frontières lui ont valu d’être souvent occupé, pillé, incendié… on retiendra :

o   en 1552 par les Bourguignons qui emportèrent « jusqu’aux clous de fer et aux socles de charrues » selon Bussy Rabutin,

o   le 12 février 1589, une bataille eut lieu tout près de Saint-Juvin vers Landres entre :

-      les Royaux (Amblise/Africain d’Anglure-, Vandy/René d’Apremont- et d’autres)

-      les Ligueurs commandés par Saint-Paul qui perd cette bataille (116 morts, 60 soldats et 18 capitaines prisonniers, ainsi que 130 chevaux capturés).
 
L’orientation particulière nord-est s’explique peut-être également par la nécessité de protection évoquée ci-dessus ainsi que par la disponibilité et la configuration d’un terrain surélevé permettant d’échapper aux crues de l’Aire et de mieux résister aux assaillants. Ces raisons auraient prévalu sur l’orientation préconisée par la religion.
 
L’église est massive, c’est un rectangle de d’un peu plus de 26 m de long sur presque 11 m de large, les murs ont environ 2 m d’épaisseur.

Une construction qui dure plus de 72 ans

 
Au-dessus du grand portail encadré de deux colonnes ioniques, une plaque est apposée sur un tableau plaqué sur un fond en forme de draperie en éventail. Cette plaque a été mise en évidence dans cette façade sans autre fioriture. Elle est la source principale dont nous disposons quant à l’origine de cette église forteresse.
 
La plaque actuelle n’est pas celle d’origine. Elle a été brisée à la Révolution, certainement suite au passage du Commissaire de la République (le citoyen Gigot) le 2 novembre 1793 qui a demandé à tous les habitants de « faire disparaître sous les 24h, tous les signes représentatifs de la royauté et de la féodalité » La feuille d’ardoise a été reproduite et remise en place vers 1850. La plaque d’origine comportait les armes de Claude de Joyeuse, qui n’ont pas été reproduites.

Traduction du texte écrit en latin (Gilles Blieck) : « A Dieu très bon, très grand. Maître Didier Mauclerc, prêtre de cette paroisse, a pris soin de faire édifier cette église, grâce au travail des habitants, et avec l’aide du seigneur Claude de Joyeuse, comte de Grandpré. 1624 »

La lecture de cette plaque permet de supposer que :

-      les habitants de Saint-Juvin ont contribué par des journées de travail par exemple, le charroi des pierres depuis les carrières de pierres de Buzancy,

-      Claude de Joyeuse est impliqué dans cette construction cependant aucune trace écrite n’a apporté la preuve qu’il ait participé financièrement. De par sa fonction militaire, gouverneur représentant le roi de France, il a dû donner son aval et peut-être a-t-il proposé ou choisi l’architecte ?

Les différents écrits nous apprennent aussi que le curé Mauclerc en sa qualité de décimateur a engagé 9 ans le produit de l’impôt que lui reversaient les paroissiens et que la communauté de Saint-Juvin a fait un emprunt à un bourgeois de Reims, emprunt qui a été difficile à rembourser.
 
La construction du gros œuvre a duré dix ans, elle aurait commencé en 1614. L’achèvement a été longtemps différé compte-tenu de l’ampleur de l’édifice tel qu’il avait été projeté, mais aussi par une succession de pillages :

-      le 6 août 1636, vers 3 heures du matin, le prince de Chimay, gouverneur de Luxembourg, avec 300 cavaliers, pille le village et l’église où étaient les meubles, met le feu aux granges et étables avant de partir en emmenant tous les chevaux et les vaches. Il tue ceux qui lui résistent.

-      en 1637-1638, les villageois sont à nouveau obligés d’emprunter pour loger les gens de guerre et doivent vendre le reste des biens communaux,

-      en 1644, par trois fois dans l’année, les Bourguignons, s’emparent du village et massacrent une partie des habitants, enlèvent les chevaux.
 
A la demande de l’archevêque de Reims, l’église, ses autels et le cimetière ont été consacrés le lundi de Pâques 1648 ; aussi le lundi de Pâques sera la première date pour le pèlerinage annuel.
 
Aussitôt la consécration, de nouveaux pillages interviennent :

-      en 1650, quatre régiments lorrains pillent à leur tour,

-      en 1652, pendant la Fronde, le Grand Condé séjourne à Saint-Juvin et pille pendant 9 jours. 

En 1624, seul le gros œuvre de l’église était achevé mais pas le voutement qui sera remplacé par un plafond en bois en 1686 (Carte postale 11), soit 62 ans après la fin du gros œuvre et 72 ans après le début de la construction. Il faut imaginer les paroissiens assistants aux offices avec la neige, la pluie qui tombent jusqu’au-dessus de l’autel… Dans de telles conditions de guerres, les mêmes qui avaient motivées sa construction, comment terminer l’église avant cette date ?

Le village retrouve a priori alors une certaine prospérité, la fabrique est de nouveau suffisamment riche pour faire une nouvelle chasse pour les reliques de Saint-Juvin. La procession change alors de date et passe du lundi de Pâques au lundi de Pentecôte, date de la translation des reliques de l‘ancienne chasse à la nouvelle. Au 19ème siècle, le pèlerinage était très fréquenté et les pèlerins plantaient des petites croix près de la fontaine dite « fontaine aux cochons ».
 
Pendant la Révolution française, l’église devient :

-      le lieu de culte de la déesse Raison,

-      le Temple de l’Être suprême et de l’immortalité de l’âme,

-      une fabrique de salpêtre, qui n’est autre que la poudre de guerre pour les fusils et les canons, pour mémoire en septembre 1792 c’est la bataille de Valmy. 

La remise en état demandée au salpêtrier et au maire en 1795 tarde, ce n’est qu’en 1803 que l’église « a été en partie réparée, mais qu’il reste la plus grande partie du toit à refaire ». Le X pluviôse an X (3 février 1802), il est dit que « l’église est dans le plus pitoyable état. La couverture en ardoise en partie emportée, le plancher en forme de plafond pourri, et les planches prêtes à tomber et à causer des accidents fâcheux dans l’exercice du culte. Les murs du cimetière presqu’en totalité fondus et les pierres emportées, par conséquent une entrée libre à tous les bestiaux, les portes arrachées, le tout dans le plus grand délabrement. » 

Entre juillet et octobre 1845, le plafond est enfin intégralement refait et c’est seulement 73 ans avant l’explosion (accidentelle ou non) de 1918 qui laissera l’église en ruine (Cartes postales 14, 15 et 16) : 

-      selon la réponse du curé au questionnaire de l’archevêché de Reims, l’explosion provoquée par l’armée américaine après que l’Armistice eut été signée les Américains étaient dans le pays « l’idée leur vint de faire éclater un fagot d’obus placé à 4 ou 5 mètres du mur nord de l’Eglise. L’explosion fut si forte que la toiture s’étant soulevée retomba toute entière dans l’Eglise. »,

-      selon le journal l’Ardennais du 26 janvier 1972, « Avec l’entrée des Américains à St-Juvin, l’église devint un dépôt de munitions qui, un jour, sauta l’on ne sait comment, soufflant entièrement l’intérieur. »
 
L’offensive américaine pour la libération de Saint-Juvin avait causé quelques dommages sans communes mesures avec les conséquences de l’explosion, le presbytère était déjà détruit. (Carte postale 12 et 13)

Un intérieur fortement marqué par la reconstruction

 
D’un plan rectangulaire, cette église pourrait être qualifiée d’église-halle si nous ne connaissions son histoire qui l’apparente plutôt à un château-fort. L’ajout de colonnes et de la voute lors de la reconstruction l’éloigne encore de l’image de l’église-halle.  
 
Pour le caractère défensif, on retrouve la présence de la canonnière double aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur côté sud. Côté ouest près de la grande porte, 3 canonnières correspondent également à l’extérieur.
 
Après la première guerre mondiale, l’église est en ruine. Elle a été classée au titre des Monuments Historiques le 31 octobre 1919, ce qui a certainement empêché les ruines d’échapper à la destruction.
 
Une chapelle provisoire en bois a été construite. La carte postale 17 de l’église en travaux permet de dire qu’elle se situait à proximité du petit portail (sud). Les offices s’y seraient tenus jusqu’au 1er avril 1934, jour de Pâques.

En 1920, l’église est déblayée, ce qu’il reste est rangé et les murs sont protégés.  La reconstruction ne commencera qu’en 1931.
 
Cette restauration a profondément modifié l’aspect intérieur :

-      en élargissant l’embrasement des fenêtres pour donner plus de lumière sans changer l’aspect extérieur. C’est aussi l’occasion de prendre la mesure de l’épaisseur des murs,

-      en créant une nouvelle fenêtre côté nord comme déjà évoqué, 

-      mais surtout en remplaçant le plafond en bois par des voutes qui s’appuient sur des consoles du 17ème siècle, voutes qui tranchent avec les briques des voûtains. Cette reconstruction pourrait être inspirée du château de Grandpré construit par Claude de Joyeuse, daté de la même période que la construction de cette église.
 
Cette rénovation a été conçue par Maurice Malard, architecte en chef des Monuments historiques et influencée par Eugéne Rattier inspecteur des Monuments historiques. Il a utilisé le béton armé pour la charpente de l’église, charpente visible dans les combles. Mais ce sont les colonnes toscanes en pierre blanche qui suscitent le plus d’interrogation, existaient-elles réellement avant 1918 ? Les photos que nous connaissons ne permettent pas de l’affirmer, tout comme Gilles Blieck qui étaye sa position avec une démonstration d’architecte que je n’ai pas la prétention de pouvoir vous restituer. En revanche, nous voyons une grille au niveau du chœur (Carte postale 11), grille qui n’existe plus mais que le curé Lesain (12 décembre1892 -19 juillet 1970) avait connue. Il parlait également d’une entrée de souterrain au niveau du chœur, nous n’avons trouvé aucune trace. Ce qui est sûr c’est que des souterrains existent bel et bien dans la commune, en partie comblés avec le temps !
 
Aujourd’hui, il subsiste 3 lavabos de type médiéval, deux pourraient être des réemplois de l’église primitive, le troisième serait plus récent.

 
Les vitraux-mosaïques ont été commandés à Jacques Gruber, peintre-verrier parisien en mai 1934. Le vitrail du chœur a également été commandé à l’atelier de Jacques Gruber, mais il n’est pas signé. Il mélange la légende de Saint-Juvin et l’iconographie de la religion catholique :
·         à gauche : dans une forêt, Saint-Juvin en robe de bure est représenté avec un livre ouvert, une rivière coulant à ses pieds et un porc ;
·         à droite Saint-Jean Baptiste avec la colombe du Saint Esprit, au centre le Christ avec à ses pieds un agneau ;
·         en haut, au milieu, le Bon Pasteur avec la brebis égarée dans ses bras.
 
Si l’armée américaine a réduit l’église à l’état de ruine, c’est l’armée allemande qui l’aurait totalement vidée de son mobilier, des vases sacrés et autres biens dont la cloche. Aussi les bans, le fauteuil du cœur et le confessionnal sont « neufs » et ont été livrés juste avant la seconde guerre mondiale. Les stalles seraient du 18ème siècle, ainsi que le crucifix qui semble regarder ceux qui entre par la porte sud
 
L’autel a été restauré après la première guerre mondiale. L’ensemble (marchepied, arrière-corps, gradins et tabernacle) mesure 3,80 m de long, 2,95 m de large et 2,70 m de haut. Il est composé de pierre et de différents marbres :
·         gris des Ardennes (Belgique)
·         rouge royal et rouge griotte de Vodelée (Province de Namur, Belgique),
·         blanc veiné et noir fin, vraisemblablement d’origine belge également.
 
Le chemin de croix est signé par Renée Chantrel et est daté de 1924. C’est certainement aussi à cette époque qu’a été réalisée la plaque de marbre (au fond près du confessionnal) à la mémoire des soldats du village, morts pendant la 1ère guerre mondiale.
 
Les fonds baptismaux seraient plus récents, juste après la seconde guerre mondiale ?
 
Le bénitier en fonte de fer (classé au titre des Monuments historique depuis le 30 septembre 1911) est un souvenir du passé métallurgique de la vallée de l’Aire qui réunissait le minerai, le bois et l’eau. Situé à l’entrée sud de l’église, il est daté du 15ème siècle avec ses pieds en forme de griffes, mais aussi ses anses qui vous regardent droit dans les yeux !
 

Les statues 

De part et d’autre du cœur, vous pouvez voir 6 statues d’apôtres d’environ 0,80 m en bois avec leurs attributs. Elles étaient 12 et en 1836 et elles étaient sur les consoles d’où partent les voutes actuellement (Carte postale 11) .
 
La plus remarquable des statues est celle de Saint-Juvin en pierre peinte. Elle est datée du début 16ème siècle, donc il est vraisemblable qu’elle provienne de l’église primitive. Elle mesure 1,65 m. D’une grande finesse, cette statue est certainement l’œuvre d’un sculpteur de grand talent. Gilles Blieck émet l’hypothèse que l’auteur de cette statue soit issu de la mouvance picarde, hypothèse qui reste à étudier. Le travail de la pierre est remarquable notamment pour la chevelure et la barbe frisée. Le saint imprégné de sa vie intérieure intense s’oppose à un petit troupeau d’animaux mi- porcelets mi- marcassins plus ou moins malicieux. Au pied de la statue, on peut lire en lettres gothiques : S Juvinus. Son bâton de porcher est cassé. La statue a été réparée après 1918 et restaurée en 1983. Elle a été exposée à Troyes à l’église Saint-Jean-au-marché du 18 avril au 25 octobre 2009 lors de l’exposition « Le Beau XVIE siècle – Chefs-d’œuvre de la sculpture en Champagne ».

 

 

 


Les caractéristiques défensives et architecturales des façades 


 

Façade ouest sur la rue des Godots :


 


 

Outre la plaque et le portail présentés avant, une bretèche surplombe la porte d’entrée et assure sa protection : à vocation défensive, cette bretèche en pierre repose sur 3 corbeaux. Les trous ou mâchicoulis sont des ouvertures permettent le jet vertical de pierres, de liquide brûlant – pas de l’huile comme on n’a pu nous l’enseigner, c’est une matière première trop précieuse !

 

Sous la bretèche, on remarque un vitrail mosaïque dans un oculus (ou œil-de-bœuf). En 1733, ce dernier était bouché de croisillons de pierre. L’archevêché est déjà soucieux de la luminosité dans l’édifice, il demande que les croisillons de pierre soient remplacés par du fer et une vitre.

 

Sur les échauguettes rondes et symétriques (tourelles) de la façade ouest, chapeautées de toits coniques couvertes aujourd’hui par de l’ardoise de Fumay, on remarque un certain nombre d’ouvertures à visée défensives : 

-      dans le bas une canonnière qui permet de tirer plus ou moins devant le portail principal,

-      des ouvertures rectangulaires auxquelles s’ajoutent des ouvertures de tir en forme de carré, et en observant bien, on peut distinguer des orifices de tirs minuscules rectangulaires ou circulaires.

 

Dans la pente du toit (ardoise d’Angers) de cette façade, a été installé un abat son. Sur la lithogravure d’Hagnaüer, (Carte postale 1) il y a 2 abats sons et sur les cartes postales d’avant 1918, un seul abat son devant un chien assis (Carte postale 2). L’abbé Bigault de Cazanove signale la difficulté pour les ¾ des paroissiens d’entendre sonner l’horloge et les offices. Pour y remédier des abats sons ont été créés dans les toits latéraux visible sur une carte postale écrite en 1906, non reproduite, on y voit également des descentes d’eau (également sur la carte postale 2) !

 

Sur tout le tour de l’église sous le toit on remarque des modillons.

 

Façade nord


 

Les modillons n’existaient pas sur la face nord et ont été ajoutés à la reconstruction de l’église après la seconde guerre mondiale.

 

C’est la façade la moins travaillée de l’église qui comporte 6 travées. La 3ème travée était aveugle avant la reconstruction, une sixième fenêtre plein cintre de style roman a été ajoutée.

 

Une seule des ouvertures de tir de cette façade est d’origine, les 7 autres ont été reproduites à l’identique lors de la restauration.

 

Façade est


 


Le caractère défensif de cette façade est peu marqué. Il subsiste 3 supports d’une bretèche qui protégeait vraisemblablement cette ouverture plus importante près de l’espace le plus sacré d’une église, son chœur. Deux canonnières sont situées dans le haut cette façade et rien dans le bas.
 
De chaque côté, 2 échauguettes hexagonales coiffés de toits polygonaux, encadrent le chevet de l’église. Elles ont été fortement démolies en 1918 et toutes les ouvertures de défense n’ont pas été refaites lors de la reconstruction.

 

On distingue une fenêtre plus importante en arc brisé. L’armature de pierre a été harmonisée avec celle des fenêtres de la façade sud lors de la reconstruction, les photos de 1919 le montre. Le vitrail date de la reconstruction de l’église.

 

Façade sud

 
Sur l’échauguette de la façade sud, côté de la place, on peut voir une tête humaine très grossière et un cadran solaire. Entre les deux, on trouve la trace de 3 premiers des chiffres de « 1623 », c’est probablement la date de la fin de la construction des murs. Difficilement lisible depuis le sol, le cadran solaire avait été doublé par un cadran solaire en bois fixé sur la tourelle sud-ouest jusqu’en 1918. (Cartes postales 2, 4, 5 et 7)
 
Dans les archives, nous avons relevé que « l’horloge de l’église » a été raccommodée le 26 septembre 1676, puis le 10ème jour de décade messidor an II, il est noté que l’instituteur devait dégraisser « l’horloge de la commune », le 26 vendémiaire (19 octobre) - 1801, cette dernière devait être « conduite par l’instituteur et graissée avec de l’huile d’olive » qu’il devait fournir. L’affichage se faisant à l’époque de la révolution à la porte du maire, il est probable qu’il s’agisse de la même horloge, voire même qu’elle n’ait pas changé d’emplacement ! Aujourd’hui, l’horloge est sur la mairie et plus personne ne remarque et/ou ne consulte le cadran solaire !
 
Le petit portail est encadré de 2 pilastres toscans, il est surmonté par une bretèche avec deux corbeaux. Deux canonnières et quelques fentes en hauteur complétaient la défense
 
Sur les 6 travées, la 3ème travée ne comporte pas de fenêtre. A chaque extrémité les fenêtres ont une voute plein cintre de l’art roman, les 3 autres sont plus grandes (mais pas toutes de la même taille) avec des arcs brisés et une armature de pierre -remplage, terme d’architecture- qui elle aussi diffère d’une fenêtre à l’autre. Gilles Blieck suppose qu’il s’agirait là d’un réemploi de fenêtre de style gothique venant d’un édifice plus ancien, peut-être de l’église primitive. L’armature de pierre de ces fenêtres en partie détruite en 1918, a été fidèlement refaite lors de la reconstruction.
 
Depuis cette façade où c’est particulièrement visible, la pierre utilisée à la reconstruction n’est pas la pierre jaune dite de Buzancy mais une pierre de couleur beige doré, du calcaire lutécien (Lutèce/Paris) provenant de Saint-Maximin dans l’Oise à 60 km au nord de Paris. La différence reste visible en 2018. Un récent nettoyage de la partie basse a créé une démarcation à mi-hauteur qui lui donne cette allure de gâteau aux chocolats.

 

Dissuasive peut-être, défensive non pas vraiment !

 
En conclusion, quelques remarques sur l’efficience du système de défense :
-      la silhouette a peut-être dissuadé des envahisseurs mais n’a pas empêché les habitants de Saint-Juvin d’être victimes des différents passages des armées,
-      la configuration de la défense de l’église ne semblent pas être en mesure de défendre la place, l’accessibilité des ouvertures hautes ainsi que leur l’efficacité en général n’est pas prouvée,
-      sans compter qu’il faut également se demander si les habitants étaient assez nombreux pour tenir les différents postes de défense ?
 

La sacristie et le presbytère

 
Le cadastre Napoléon de 1827, montre que l’endroit de la sacristie était occupé par le presbytère, l’abbé Bigault de Cazenove ne la mentionne pas. Aussi, la sacristie qui apparait sur la lithographie d’Hagnaüer (Carte postale 1) et les cartes postales d’avant 1918 (Cartes postales 4, 6, 9 et 10) pourrait avoir été construite entre 1848 et 1855. C’était un petit bâtiment avec un toit pentu. Avant cette construction, un espace aménagé et fermé derrière l’autel servait de sacristie comme dans de nombreuses églises de la région. Lors de la reconstruction, la porte de communication entre l’église et la sacristie a changé de place et de forme. (Carte postale 15)

 
Le presbytère (Carte postale 10) a été détruit en 1918 et n’a pas été reconstruit. (Carte postale 12)
 

Les cimetières

 
Un premier cimetière a existé autour de l’église primitive et reste nommé dans les registres paroissiaux jusqu’en 1685. Il y eut également un cimetière particulier demandé par la communauté protestante de Saint-Juvin vers 1612 et les cimetières temporaires allemands puis américains pendant la Première Guerre mondiale. Le cimetière « huguenot » aurait été situé à droite de la route de Saint Juvin à Marcq.
 
L’église de Saint-Juvin figure sur une lithographie signée par un allemand, Hagnaüer (Carte postale 1), lithographie qui daterait de 1850 et qui a été reproduite en carte postale. Elle montre l’église au milieu d’un cimetière entouré d’un mur. Le cimetière était sur les 3 côtés de l’église mais il est moins étendu qu’il ne l’avait été auparavant. Les murs du cimetière autour de l’église ont été refaits en septembre et octobre 1667 par des maçons italiens, la lithographie a été réalisée par un allemand. Serait-ce déjà à l’époque des travailleurs immigrés ou détachés, comme nous dirions aujourd’hui ? De fait, en dehors des guerres, on voyageait déjà pour l’art et le travail au sein de l’Europe. 

 

Le cimetière autour de l’église n’est plus représenté sur les cartes postales du début du 20éme siècle. Il a été « déménagé » à la sortie du village vers Champigneulles à une date qu’il ne nous a pas été possible de retrouver, mais que l’on peut a priori situer entre 1850 et 1890-1900. C’est certainement la mise en application de l’obligation pour les communes de créer des cimetières en dehors de l’enceinte des villes et villages (décret du 23 Prairial An XII de Napoléon Premier). Abbé Bigault de Cazanove mentionne avoir découvert des fragments d’une plaque incrustée dans le mur de l’église près du « petit autel de Saint-Juvin » indiquant la sépulture du Ponce Colinet (curé de Saint-Juvin de 1674 à 1737) et de plusieurs membres de sa famille. Cette plaque aurait été brisée à la Révolution peut-être comme celle surmontant le grand portail ? Gilles Blieck donne la description de la tombe de l’abbé Bigault de Cazanove décédé en 1870 mais signale qu’il n’en demeure aucune trace. Cependant cette pierre tombale est bien présente au cimetière communal, mais la pierre du calvaire est datée de 1862. S’agirait-il d’une reconstitution avec des éléments retrouvés après la première guerre mondiale ? Cette tombe y a-t-elle été transférée et quand ? L’abbé Bigault y a-t-il été directement inhumé, ce qui réduirait alors la période potentielle de la création du cimetière actuel à une période allant de 1850 à 1870.

Les cloches

 
Une grosse cloche a été fondue en avril 1648, elle portait les noms de René de Fiquémont, abbé des abbayes de Mouzon et Belval et de Anne de Joyeuse, fille aînée de Dame Marguerite de Joyeuse, comtesse de Grandpré. L’église avait 2 cloches à la veille de la révolution, la plus petite (660 livres) resta cachée dans la paille pendant cette période avant d’être détruite. La cloche de 1648 a été re-fondue à Romagne par Farnier, (elle pesait 400 kg), elle a eu pour parrain Jean-Baptiste Paris, procureur du roi dans les Ardennes et pour marraine Marie-Louise-Henriette Golzart son épouse. « Euphrasie » a été enlevée par les allemands en 1916.
La cloche actuelle – Henriette-Hortense- a été baptisée le 22 avril 1935, avec Hortense Vassart comme marraine et Henri Someillard (maire de Saint-Juvin) comme parrain en présence du curé-archiprêtre de Vouziers. Elle a été réalisée par Armand Blanchet, fondeur de cloches à Paris. Elle mesure 1,12 m de diamètre et pèse 975 kg.